Le Dr G (G comme gynécologue – ndlr) assistait donc à la 13° journée du CEGOP. Il était question du temps, pas du « beau temps » qu’il faisait dehors malgré l’époque de l’année, ni du « bon temps » qu’on regrette toujours mais du « temps médical », ce temps qui manifestement passe trop vite puisqu’on le souhaiterait plus long….
Certain souhaitait installer des parcmètres devant les bureaux des médecins pour qu’ils soient rétribués selon le temps qui passe, une autre prétendait que les sages-femmes étaient meilleures médecins que les gynécologues puisqu’elles passent plus de temps et la seule chose que le médecin vend, c’est du temps…
Ça rappelle au Dr G une joute à laquelle il avait assisté il y a quelques années déjà entre 2 cancérologues français de grande renommée…. Le Pr D. avait acculé le Pr J dans un coin du ring quand ce dernier dans un sursaut assena en fait d’argument :
« au fait, Daniel, tu mets combien de temps pour opérer un cancer de l’ovaire ?
? ? ? euh, quatre heures » répondit l’autre légèrement désarçonné par la question.
« Moi je mets six-sept heures !…. »
Le Pr D ne s’en est pas remis ce jour là et se plaignait amèrement à la pause à qui voulait l’entendre de la bassesse du coup….
Quant au Dr G, qui était jeune en chirurgie dans ce temps là, il en a immédiatement conclu qu’il opérait au moins aussi bien que le Pr D et qu’il approchait même le Pr J les lendemains de garde (car on opérait encore les lendemains de garde en ces temps reculés). Mais il était jeune et depuis ce temps il a bien perdu.
Le docteur vend surtout du temps mais le musicien aussi. Le Dr G a fait un jour cette expérience alors qu’il traversait la France en voiture d’une traite : il a écouté d’affilée les 4 heures d’ « Einstein on the beach » l’opéra contemporain de Philipp Glass. Et bien il peut vous l’affirmer ça n’est pas 4 fois meilleur que les 60 minutes de la 9° de Beethoven.
Finalement il y a temps et temps, des temps faibles et des temps forts, le temps est un accordéon et certaines minutes durent des éternités. Le temps fort c’est toujours quand la patiente la main sur la poignée de la porte de votre bureau vous dit « Vous savez Dr, pour mon mari, je vous ai pas dit… (suivi de pleurs etc…) ». C’est là qu’on se dit qu’on devrait commencer les consultations par la fin mais on n’inverse pas le temps.
Que l’intensité puisse remplacer la durée, certains l’ont compris depuis longtemps, du moins financièrement… Lacan faisait des mini voire des micropsychanalyses de 5 minutes pour 500 F (en 75-80 c’était une somme) dans son jardin tout en taillant ses rosiers…
A l’inverse tous les sexologues vous diront qu’après une période d’enthousiasme, les femmes se lassent des anéjaculateurs qui apparaissent trop robotatifs. Et, elles n’auront jamais l’idée d’installer un parcmètre au pied de leur lit… sauf pour d’exceptionnels conjoints particulièrement avares de leur temps
– « 15 minutes , mais c’est un peu court jeune homme
Ah oui ?
30 minutes ! c’est un minimum !
Bien madame….
C’est ce qu’expliquait d’autorité une directrice d’établissement hospitalier sanglée de certitudes qui discutait de l’organisation des consultations de gynécologie avec le Dr G. Discussion restée heureusement sans suite…
Car si on calibre la quantité c’est qu’il est difficile de calibrer la qualité….. on rallonge les durées en pariant qu’une étincelle finira bien par jaillir. Mais est-ce que les vaches qui ruminent en regardant les trains passer à longueur de journée finissent par comprendre comment ils fonctionnent ? Et si l’on leur rajoute un parcmètre dans le paysage, cela leur donnera-t-elles l’air plus intelligent ?
A titre personnel le Dr. G ne le pense pas et si on lui demande de prendre 30 minutes pour la 8° consultation de grossesse… il sourira dans le vague… mettra le pilotage automatique … regardera à travers la fenêtre le soleil alsacien et regrettera le temps où l’on pouvait cumuler la pratique de la médecine et la taille des rosiers…..le temps des cerises, des gais rossignols et des merles moqueurs….