Сomme tous ceux de sa génération le Dr G est né à l’obstétrique avec un échographe en main…
Une pesante barrette avec un écran de 10 x 15cm situé dans une pièce de 2 x 1,5m, ci-devant débarras du service, où seul lui et la patiente avaient accès pour des raisons d’oxygénation.
C’était le temps de l’échographie obstétricale simple, qu’on pourrait appeler l’ « ortho » échographie, pour signifier le caractère droit, donc normal (norma = l’angle droit) de ce type d’échographie…
Mais le progrès fait rage, le préfixe ortho s’est vu relégué aux oubliettes de la langue, le changement privilégie radicalement le préfixe trans. Les réformes sont trans…L’hôpital lui même est touché par la transversalité…notons au passage que l’homme transversal n’est pas loin de l’homme couché
Ainsi l’écho est devenue trans…..
L’échographie est devenue rapidement transconjugale.
Le mari est le premier à avoir pu pénétrer dans le petit placard obscur où il s’est senti bien à l’étroit. On a donc élargi les lieux tout comme le concept de mari qui est devenu celui de père de l’enfant… Au départ on pensait que la femme présentait son enfant à cet individu frustre sachant qu’un père sur deux ne s’intéresse qu’aux matchs de foot à la télé. L’échographiste tenait assez facilement à l’époque le rôle de commentateur : « la tête , le ventre, le fémur…. – Où ça ? – mais là chéri ! ». Mais très vite on s’est rendu compte que finalement la femme vient présenter le père lors de l’échographie : « c’est lui le père puisqu’il vient voir mon petit intérieur à l’écran ! » On lui trouve des ressemblances : « il a ton nez » on ne savait pas que le nez était tellement discriminant (peut–être une idée pour ceux du ministère de l’intérieur qui veulent faire de l’anthropomorphie familiale).
Le monsieur (qu’il fallait déjà à l’époque attendre le temps qu’il gare la voiture ) aquiesçait poliment et s’intéressait surtout … à l’échographe… « Mais, vous avez changé de machine depuis le dernier, Docteur ! ». Avec l’évolution des mœurs on a pu constater que la présentation du père était à renouveler à chaque grossesse (dans un 1/3 des cas dans la statistique personnelle du Dr G).
A chaque grossesse on retrouve comme une vieille connaissance qui vient pour vous présenter un nouveau père et c’est l’échographiste qui se retient maintenant de dire « tiens !, vous avez changé de machin depuis le dernier Madame ». Dès lors l’échographie est devenue transconjugale élargie … et ce n’est pas fini….
L’échographie transfamiliale a fort logiquement suivi avec ses 2 formes : la forme baby et la forme Kid.
La forme baby pose un intéressant paradoxe : alors-même que de plus en plus de femmes travaillent et donc confient leur petit à des crèches, à des gardiennes etc… ; celles-ci, comme par hasard, ne sont jamais disponibles le jour de l’échographie.
Y aurait-il un complot antiéchographiste ? Mais on a beau essayer d’intéresser à la télé les ultra petits à coup de télétubies (voire de programmes pour plus précoce encore) pour en faire de parfait consommateurs de publicité TF1 (les lecteurs du Monde d’octobre 2004 se rappelleront le merveilleux interview de Patrick Le Lay ), les chérubins développent une encourageante résistance à l’écran d’écho, ce qui navre généralement leurs parents.
« Regarde ton petit frère à la télé – ouature ? – mais regarde donc ! – maman popo – mais c’est pas possible ici ! etc etc…. au fait mademoiselle (à la sage-femme échographiste), vous pourriez pas lui donner son doudou qu’est tombé par terre».
La forme Kid restera sans doute assez rare dans les prochaines années vu l’évolution démographique. Elle concerne la femme de famille nombreuse qui aligne par ordre d’âge ses enfants devant votre écran. Généralement tout se passe bien mieux qu’avec la forme baby les grands assurant le gardiennage des petits, mais les grands commencent à réfléchir : « maman comment ça marche l’échographie ? – Euh demande au Docteur ! – Pourquoi y met du gel ? – Mais demande au Docteur je te dis !….». Il est urgent que la série « c’est pas sorcier » sorte un DVD sur l’échographie obstétricale compte tenu de la faible connaissance en écho obstétricale de la tranche d’âge des 8/12 ans.
Notez que cela rend l’échographie tout à fait vivante et met fortement à l’épreuve les capacités de concentration de l’échographiste… mais n’en faites surtout pas part à la patiente, elle serait surprise car, comme tout le monde le sait depuis les affirmations de M. LE LAY : là où il y a un écran, on ne réfléchit pas..
Ensuite s’est développée l’échographie transgénérationnelle (terme déposé et utilisé avec l’accord exclusif du Dr JL Tribout, pédopsychiatre).
Quand le Dr G avait 18 ans, les jeunes essayaient de prouver qu’ils étaient des adultes alors que la majorité était à 21 ans, maintenant que l’on est officiellement adulte à 18 ans, les jeunes veulent rester enfant jusqu’à… au fait on aimerait savoir jusqu’à quand ?
Bref les femmes se font accompagner par leurs parents… le Dr G a tout testé : la mère qui cause tout le temps et parle de ses propres grossesses, le père au chômage qui a le temps d’accompagner sa fille et qui vient voir la télé parce qu’il n’y en a pas en salle d’attente, le couple de parents médecins que ça intéresse mais à titre professionnel bien sûr, la belle mère qui explique que son fils a eu un accident de préservatif ce jour là… etc… nous revoilà plongé dans l’ambiance des familles « souches » de la France de l’ancien régime… Le rôle du médecin se complique, il se voit obligé en fin d’examen de prendre la parole devant 6, 8, 10 yeux brillant dans l’obscurité de la salle d’échographie, tentant tant bien que mal d’improviser une conférence de presse pour expliquer que le fémur est au 10° percentile, ce qui est devenu maintenant une intolérable probabilité de quelque chose mais quoi ? En tout cas y a rien de tel dans la famille… d’où méfiance…
L’échographie transclanique.
Le DR G se rappelle avec émotion le jour où, appelant une patiente pour son écho, il vit se lever une très jeune fille, suivie de la moitié d’une classe de terminale voulant l’assister à l’échographie, ou, cas plus difficile à éconduire, l’arrivée de la moitié du secrétariat de direction de l’hôpital s’émerveillant bruyamment des progrès de la médecine (???).
Le clan est le plus difficile à gérer, les phénomènes de dominance ne sont pas aussi régulés que dans une famille, ils sont en permanente renégociation, y compris pendant l’examen. «T’as qu’à lui d’mander une échographie 4D, pourquoi il t’en fait pas…» , «c’est pas vrai ! on comprend rien, c’est quoi ça ?» «t’as vu les mains toi, moi je les ai pas vues », «T’as vraiment pas gardé longtemps çui là»… c’est vrai que c’est difficile….
L’échographie transvaginale est un peu différente. Passant à travers le corps de la femme par un abord très personnel on pensait au début qu’elle pourrait recentrer l’examen sur un acte médical mais très vite, à l’époque du string sur les plages, sont apparues les écho trans-trans
Transvaginale transconjugale, jusque-là rien à redire après tout
Transvaginale transfamiliale, comme disait une patiente à propos de sa fillette de 6 ans qui assistait à l’examen : « de toute façon elle en a vu d’autres ». Façon de parler ?
Transvaginale transgénérationnelle : « Ca ne la dérange pas je suis sa mère !, ça ne me dérange pas, je suis son père… »
Transvaginale transclanique : à partir de là on se sait plus quoi dire
Enfin l’écho-transabdominale…..
Transabdominale ! …. Et oui plus de vingt ans après le succès de Josiane Balasko dans « les hommes préfèrent les grosses » , la mode est au Fragonard.
On voit arriver de mignonnes nymphettes de 100 kg (et parfois bien plus). Le progrès technique, sensé rendre le fœtus transparent, se voit chez certaines réduit à peau de chagrin. L’échographie de transabdominale devient transpariétale voire transmurale.
Même les maigres s’y mettent en tartinant consciencieusement des couches poisseuses aux vertus hydratantes qu’on met 5 bonnes minutes à dissoudre à coup de gel échographique…
Dans le couple transgénérationnel mère/fille de proportion pondérale 1/2 voire 1/3 c’est à la mère qu’ont aimerait souvent refaire l’échographie mais c’est trop tard, c’est à la fille qu’on la fera … on en verra pas plus qu’avec sa mère dans le petit placard 25 ans plus tôt…
Car c’est ainsi que la médecine est grande…
Dr G