Dans le domaine de la presse, la médecine a depuis longtemps pris de l’avance puisque la presse médicale la plus lue par les praticiens non universitaires (le Dr G peut en témoigner) est représentée par le phénomène des gratuits… il semblerait que le phénomène menace maintenant la presse nationale quotidienne. Or, est-ce le fait du phénomène gratuit qui fait que ceux qui s’y expriment émettent des opinions moins réfléchies selon le principe que ce qui ne coûte rien ne vaut rien, peut-être s’agit-il d’ une affirmation aussi gratuite que le journal ? Le Dr G en tout cas, a été étonné par une affirmation du Pr Claude S dans un tel journal…
Le Pr Claude S, que comme Debussy dont il partage le prénom, on pourrait appeler Claude de France tant il résume la gynécologie française…. celui dont toutes les remarques sont si pertinentes qu’elles invitent au respect et à la réflexion même de ceux qui ne partagent pas ses idées, lui dont le style est d’un classicisme tellement limpide qu’on attend avec impatience ses oeuvres complètes reliées en vélin d’arche pour 87 simplement les relire… a écrit récemment :
« Le monitoring est très sensible. Du coup il enregistre des anomalies du rythme qui ne sont pas forcément significatives. Cela a pour conséquence une application abusive du principe de précaution et le recours à des césariennes non justifiées ».
Le Dr G se souvient que, lorsqu’en 1981, il commençait la gynécologie, le Pr Claude S était non seulement celui qui avait introduit le monitorage de l’accouchement, mais aussi celui qui l’avait « imposé » en convainquant les politiques de son intérêt lors du 1er Plan Périnatalité. L’idée à l’époque était que l’IMOC (qu’on appelait alors IMC) était dû à la souffrance foetale pendant le travail, et que donc le monitorage nous ouvrait des horizons d’enfants tous sains. Le Dr G se souvient encore comment lors d’une journée de Baudelocque, le Pr Claude S avait « mouché » (rappelons qu’il s’agit d’un terme d’escrime), notre poulain local, le futur Pr I N en lui disant que son interprétation du RCF datait, et qu’il fallait l’interpréter maintenant (nous sommes à la fin des années 80) plus finement que lui même ne l’avait proposé 15 ans plus tôt, et extraire les enfants beaucoup plus tôt. Notez qu’à l’époque cet argument était courant, quand le résultat ne correspondait pas aux attentes, c’est qu’on n’était pas allé assez loin… le communisme ne marchait pas parce qu’on n’était pas allé assez loin dans le communisme, comme quelques années plus tard l’ultralibéralisme n’ira pas parce qu’on ne se sera pas assez débarrassés de nos préjugés communistes…
Bref, après 20 ans de monitoring et un taux de césarienne à 20% on nous dit que seuls « 20% » des IMOC sont consécutifs à une souffrance foetale, le reste n’ayant pas de lien avec l’accouchement. Le Pr Claude S a eu l’intelligence de reconnaître ce virage (certains de ses confrères professeurs ne l’ont pas fait).
Le Dr G se souvient que jusqu’à son départ à la retraite le Pr P. du sud-ouest, un autre digne représentant de cette génération précurseur du RCF bataillait toujours becs et ongles contre cette idée, pour lui l’IMOC restait la chasse gardée de l’accoucheur (et son cauchemar par la même occasion).
De tout cela on peut tirer deux moralités :
Celui de la misanthropie lucide de Jean de La Fontaine « selon que vous serez puissant ou misérable etc… » mais ne nous embarquons pas dans cette direction et restons positifs. Celle du bocal faussement transparent de la vérité… admirons le Pr Claude S qui, malgré sa longévité est resté assez souple (d’esprit) pour sauter dans le bocal d’à côté alors que nous sommes encore pour la majorité restés dans l’ancien à nous taper le mu- seau contre des parois qu’on ne voit pas…
Car c’est ainsi que la médecine est grande…
Dr G