«… Les ressources transversales sont les supports fonctionnels qui im- pactent la qualité et la gestion des risques liés aux soins…»
(Prérapport d’accréditation du Centre Hospitalier de Colmar, novembre 2005) … Sic transit gloria mundi…
Le Dr G demandait depuis quelques mois des pinces à biopsie pour col- poscopie: ça faisait déjà quelque temps que le matériel fatiguait et que les femmes râlaient… Il s’était fendu d’une missive inter-hospitalière à l’administratif ad hoc où il argumentait en termes généraux sur le dé- pistage et la santé publique… il attendait sans s’attendre à une réponse rapide… c’est une affaire d’expérience…
Mais quel ne fût pas son étonnement de recevoir somme toute assez rapidement, un coup de fil du médecin du Service d’Information Médicale (SIM) lui faisant aimablement part d’une requête administrative auprès de son service visant à l’évaluation du « bénéfice économique que retire l’établissement d’une telle activité » (sic). Tout bien réfléchi il a fallu bien avouer qu’économiquement le bénéfice est plus grand quand on fait des colpohystérectomies élargies avec lymphadénectomies pour cancer invasif… et qui plus est, bien plus gratifiant professionnellement pour le Dr G.
Bref, à ce jour, le Dr G attend que les directions des affaires économiques et logistiques (DAEL) se réunissent pour statuer du sort des 53 pinces et le Dr G risque encore de subir la mauvaise humeur des patientes pincées…
Le problème, c’est que le matériel du bureau du Dr G a fêté ses 10 ans cette année et que d’autres objets ont mérité leur retraite… tiens ! cette balance qui sert à peser les patientes et qui les pèse à quelques kilos près maintenant…
Mais conscient du caractère novateur des expériences de management s’inscrivant dans une démarche volontaire de l’établissement, le Dr G veut se montrer responsable et n’hésite pas à le proclamer à la face de ses confrères, il est normal de démontrer le bénéfice économique que retire l’établissement de l’activité de pesage des patientes. Oui mais comment ?
Comment… mais en évaluant bien sûr. Le Dr G propose que chaque secrétaire demande à l’issue de la consultation si le docteur l’a pesée ou pas. Il lui suffira de cliquer sur la case adéquate dans le logiciel de сonsultation. Il est important que ce soit la secrétaire qui le fasse, l’administration sachant pertinemment que le corps médical a des difficultés à s’auto-évaluer. Le SIM établira des requêtes sur le logiciel pour suivre l’évolution de cet item sur 5 ans. On se propose de confronter ces don- nées aux objectifs d’une rentabilité responsable. Pour l’obstétrique, les choses seront assez claires : il s’agit de l’issue des grossesses. Il suffit que le service informatique modifie le logiciel de saisie des salles d’accouchement pour affiner l’étude des conséquences des prises de poids sur le résultat obstétrical, ce qui devrait se faire en 5 à 6 séances de travail avec le SIM, la cellule technique du service informatique, les équipes de cadre de la direction du service des soins infirmiers (DSSI) et peut-être un obstétricien. Il faudra fixer un cadre de définition au bénéfice. Certains bénéfices sont cachés…
Si certes, un accouchement simple sous péridurale (qui ne nécessite presque plus de présence sage-femme et qui sort au 2e jour) rapporte plus d’argent à l’hôpital qu’une césarienne simple pour dystocie par macrosomie, une césarienne compliquée d’un bel abcès de paroi avec pour- quoi pas un choc septique est très rentable pour l’hôpital. La réflexion devra porter sur les prises de poids extrêmes, qui peut-être redeviennent rentables. Mais il ne faut pas perdre de vue que le cadre budgétaire est variable dans le temps, notamment les cotations qui seront allouées pour chaque pathologie par la T2A.
Le plus simple serait de créer un comité de suivi mixte activant la Direction des Affaires Financières, de l’Informatique et Contrôle de gestion (DAFIC), le SIM, la DAEL, et peut être un obstétricien (mais le corps médical est manifestement peu intéressé par la maîtrise de son outil de travail). Il pourrait se réunir 2 fois par an. Il est raisonnable de prévoir la création d’un mi-temps d’adjointe administrative pour le suivi. Pour la gynécologie les choses sont plus complexes, l’objectif à évaluer pouvant être la durée de vie, les pathologies de surcharge etc.. d’emblée on peut dire que la réflexion devra être plus large, ouvrant le champ à des
horizons innovants mais qui vont mettre en oeuvre une collaboration transversale, qui permettra de tester les capacités de réactions à la fois de la structure hospitalière (SIM,DAEL,DAFIC, DSSI), mais aussi des tutelles : l’ARH, le Conseil Général qui ne peut être que partie prenante, ainsi que l’ORSAL pour l’épidémiologie. Une convention sera signée entre tous ces intervenants par l’intermédiaire des présidents des conseils d’administration. Il faudrait prévoir un secrétariat permanent, une cellule de communication (qui éditera les brochures « une balance pour quoi faire » qui seront à la disposition du public dans le hall d’accueil du 4e 55 étage de la Cité Administrative à Colmar) et prévoir un demi-véhicule mis à disposition par l’hôpital.
Et voilà, le Dr G est fier par ses propositions, d’avoir apporté sa modeste contribution à cette grande aventure qu’est la participation à un service public responsable conscient des contraintes financières. Car n’oublions pas, il s’agit d’argent public qui est l’argent de toute la nation, et qui ne doit pas être gaspillé pour l’achat de balances inutiles. Le mois prochain il réfléchira au protocole de changement des mètres ruban qui servent à mesurer la hauteur utérine et qui sont actuellement devenus difficilement lisibles.
Dernière minute : la direction de la clientèle (DECP) et notamment la cellule contentieux rappelle que pour éviter tout litige, c’est la responsabilité personnelle du médecin de pincer le col des femmes, de les peser et de mesurer les utérus quand elles sont enceintes indépendamment de l’aspect organisationnel qui ne relève que de la stratégie de l’établissement telle qu’elle est définie par la nouvelle gouvernance.
Dr G, octobre 2006