Certes ils ont toujours existé mais on n’a pas remarqué ceux avec qui on a grandi, ce n’est qu’en vieillissant qu’on repère les nouveaux venus… c’est d’ailleurs comme ça qu’on remarque qu’on vieillit, ceux qui refusent de vieillir sont les premiers à ne pas les remarquer et à les utiliser…ce qu’ils présentent comme une avancée alors que ce n’est qu’une variété de cécité….
Mais tout ceci vous paraît un peu confus alors passons aux exemples pratiques :
Le premier gros mot identifié comme tel par le Dr G dans les années 80 est le mot « qualité ». Tout devait être de qualité et tourner en rond d’où le terme très usité de « cercle de qualité ». Le chef réunissait des subalternes, on mettait les chaises en rond et on discutait …à un moment le chef disait : « bon, on clôt la réunion, on a bien travaillé ». Vous remarquez l’allusion à de très anciens gros mots passés dans le langage courant mais qui n’en étaient pas néanmoins initialement des gros mots : l’utilisation conjointe du mot « réunion » et « travail » associé en « réunion de travail » avec des dérivatifs comme « repas de travail », on a pas été jusqu’à créer le gros mot de « sieste de travail » même si souvent l’esprit y était (à la sieste).
L’excellence est apparue dans les années 90, on avait connu les « ismes » dans la 2° moitié du 20° siècle, les anticipateurs du 21° siècle ont inventé les « ences ou ances » dès les années 90. L’excellence était souvent associée au mot « pôle » qui n’était pas alors un gros mot bien qu’il le soit devenu plus tard. Le Dr G se souvient très bien du passage du Directeur dans le service qui, tel Napoléon dans ses rangs tirant les oreilles aux grognards, nous a gratifié d’un « pôle d’excellence ». Le chef de service avait la larme à l’œil et aurait-il eu des moustaches, elles en auraient frémi. Mais déjà la campagne de Russie n’était pas loin, le directeur a effectué un repli stratégique dans une autre contrée et le service est redevenu un service comme les autres…Adieu excellence et voilà qu’arrive la…
… Validation. Le Dr G vous a déjà parlé il y a quelques années de cette validation qu’on attend. Validation c’est plus rapide à dire que calendes grecques mais avec un petit coté plus languissant. Anne ma sœur Anne, ne vois tu rien venir ? Non je suis en train de valider mes impressions de soleil qui poudroie et de verdure qui verdoie.
Alors que le Dr. G avait passé des examens, les jeunes internes ont validé leurs acquis qu’ils ont finalisés en se spécialisant en gynécologie (l’obstétrique c’est trop trivial), les ASH validaient des protocoles de nettoyage en 6 réunions de 45 minutes alors que le directeur validait le budget d’un mot. A tous les étages l’hôpital validait. On validait des comptes-rendus de réunion de validation…
…Quand il a fallu tracer. Qui se souvient de Valérie Giscard d’Estaing qui s’est fait vendre à prix d’or des avions renifleurs censés trouver du pétrole dans les régions qu’il survolaient ? Renifler ? Vous avez bien lu ! Les énarques des années 70 en étaient à des comparaisons canines, on imagine les teckels, la truffe au raz du sol et la queue s’agitant verticalement. De nos jours on étudie la trace, ce qui reste quand même très vétérinaire. Tout doit faire l’objet de traçabilité dans les hôpitaux de la moindre compresse au pace maker, du résultat d’examen à la demande de consultation externe, au fait vous vous êtes lavé les mains… oui… avec quel lot de produit antiseptique ? La femme a fait de la température après son accouchement ? qui a fait l’accouchement ? qui avait lavé le linge, avec quoi, les produits n’étaient-il pas périmés ? qui a nettoyé le sol quand avec quoi ? il faut immédiatement répondre à toutes ces questions vite avant de se rendre compte qu’elle a simplement attrapé la rhinite du petit. Les teckels furtifs sont de plus en plus nombreux partout…
Mais pour couper court à ce fatras, pour faire un Gap, voilà que s’avance, majestueuse la :
GOUVERNANCE. Chacun sent qu’il vaut mieux être gouverneur que directeur. On est directeur de la banque de France mais Gouverneur de la banque européenne. Cette pièce maîtresse qui depuis 2007 fait virer de bord le galion hospitalier c’est le gouvernail qui assure la gouvernance. En clair l’Hôpital veut un Vrai Patron qui passe par dessus le bord tout ce qui alourdit et menace la ligne de flottaison. On vit dans un monde de pirates alors on engage des flibustiers mais finalement ça ne concerne que peu les matelots … même si on en a élevé certains au grade de quartier-maître pour mâter les gars du gaillard-avant… c’est là que nous retrouvons notre…
…Pôle qui revient cette fois-ci tout seul. Le pôle s’est la zone mais en plus chic. Ca se décline, comme disent ceux qui ont oublié la signification du mot déclinaison : le pôle urbain, le pôle industriel, le technopôle, le biopôle, l’europôle, le vinopôle, le pôle de gynécopédiatrie. Le pôle, flanqué de son chef, le CDP (c’est plus mettable que chef de zone, bien que moins etnik). Mais là on est déçu, on se dit que les énarques de la filière santé étaient quand même les moins bien classés. Dans les autres administrations ça fait longtemps qu’on est passé aux clusters. Le Dr G aurait tellement aimé travailler dans un cluster mère-enfant sous les ordres d’un cluster chief.
Maintenant le Dr G est serein, il attend droit dans ses bottes l’arrivée de l’équipe de direction du Benchmark qui viendra comparer ses performances avec le Dr K (y’a de toute façon pas photo)… il sait qu’il risque d’être reclassé dans le marketing territorial (comprendre il fera des frottis dans un camion publicitaire de l’hôpital avec comme objectif de conquérir des parts de marché et se rapprocher de Mulhouse, l’ennemi héréditaire…) à moins qu’on ne le verse dans la e-médecine (il répondra jour et nuit à la rubrique gynéco du blog de l’hôpital). Mais c’est peu probable puisque l’hôpital à terme ne se consacrera plus qu’au secteur rentable de l’économie de la connaissance et donc ce service sensible et de pointe sera de toute façon délocalisé rapidement en Roumanie
Car c’est ainsi que la médecine est grande…