Petite perversionmédicale

    Si le médecin a horreur d’une chose, c’est que le patient n’ait pas besoin de lui et le lui montre. Quand il s’agit de technique médicale, les choses peuvent être facilement réglées par la signature d’une décharge médicale qui calme les nerfs sans rien changer d’ailleurs au risque médico-légal, mais il en va autrement quand le médecin propose son accompagnement, sa compassion.

    Que le patient signifie qu’il n’a pas besoin de ces bras accueillants que lui tend le médecin, et voilà ce dernier pris d’un dépit qui autorise toute les petites perversions … mentales bien sûr. Voyons 2 fabliaux extraits de la pratique du Dr G…

    Mme M1 est enceinte, on lui a découvert une anomalie chromosomique (à son foetus) difficile à authentifier, les scientifiques s’activent… on ne sait pas trop comment ça va évoluer mais la patiente reste souriante, confiante… elle déménage, des signes apparaissent à l’écho, la nouvelle équipe est inquiète, et comme d’habitude estime que les médecins précédents sont des nuls. On reprend tout à zéro avec une patiente qui ne s’inquiète toujours pas malgré des avertissements répétés, on n’ose pas lui proposer la psychologue tellement elle manifeste peu d’angoisse (il faut quand même un minimum de demande…). Elle accouche et le bébé doit être opéré en urgence d’une malformation supplémentaire non visible en anténatal.

    Le corps médical est sur les braises mais la patiente sourit toujours…
    Résultat : on va lui refaire un caryotype (à la patiente, bien qu’elle en ait déjà eu un mais c’était chez des mauvais) car c’est pas normal de pas s’inquiéter (elle est donc un peu anormale, la patiente…) A l’examen de sortie elle continue de sourire en disant que c’est son bébé et qu’elle l’aimera de toute façon…

    Mme M2 est âgée de 65 ans, par l’intermédiaire d’une pleurésie néoplasique, on lui découvre un cancer de l’ovaire dont on connaît le pronostic… le médecin qui la voit lui explique elle a un cancer de l’ovaire et on a déjà retrouvé des cellules dans la plèvre… les choses sont dites… elle est opérée dans le service… tout se passe bien, sauf que bien sûr la réduction tumorale complète n’a pas été possible en raison d’une carcinomatose étendue d’ailleurs prévue initialement avec la patiente, qui pour le coup se promène dans les couloirs très sou- riante… inquiétude des soignants :

    – A-t-elle compris ?
    Le corps médical est questionné :
    – Oui, elle a fait l’objet non pas d’une, mais de deux consultations d’annonce dont une avec son mari.
    Le lendemain on revient à la charge, elle ne tourne pas rond, elle sourit toujours, c’est pas normal, il faut être sûr qu’elle a compris…

    On retourne au lit du malade :
    – Mme M2, je viens d’avoir le résultat définitif de l’analyse des prélèvements
    fait lors de l’intervention, ça confirme bien sûr le cancer qu’on avait déjà retrouvé au niveau du prélèvement qu’on vous avait fait en pneumologie… etc…

    – Oui docteur, vous m’avez bien expliqué, répond la dame en souriant, c’est pour ça que vous allez me faire de la chimiothérapie et que vous m’avez posé la petite boîte… On rassure le service, oui elle a compris.

    Le lendemain :
    – Elle ne va vraiment pas bien, elle nous inquiète…

    La patiente trottine toujours le sourire au lèvres…. suivi des murmures insistants de déni du personnel…
    Cher amis patients atteints d’une maladie grave, ne faites pas comme Montaigne, ne tentez pas de sourire à l’adversité mais allez plutôt pleurer dans la blouse de votre médecin, ça ne changera sans doute rien à votre problème mais ça fera le plus grand bien à votre médecin…

    Dr G