Que la médecinesoit

    Le Dr G a suivi avec grand intérêt l’exposé au CGOA millésime 2009 d’une de nos gloires régionales de la chirurgie… quelles perspectives ! Un point l’a particulièrement intéressé, qui est celui de la robotisation de la chirurgie. Notre travail multidisciplinaire de gynécologue nous a déjà habitué à travailler avec des robots (en PMA par exemple).

    Que sont d’autres les biologistes qui répètent à perpétuité les même manipulations souvent automatisées s’interrogeant rarement sur la nature de leur travail, mais par contre oeuvrant constamment à améliorer leurs résultats, ce qu’on leur demande d’ailleurs parfois, quand il sont tellement extraordinaires qu’on les décore au nom d’une association suédoise du titre de bienfaiteur d’une humanité… qu’ils ne côtoient pas… il faut dire qu’elle use les enthousiasmes, cette humanité quotidienne, et qu’il vaut mieux parfois ne pas trop la côtoyer quand on veut continuer à faire quelque chose pour elle… Mais revenons à notre chirurgie…

    le Dr G a bien réfléchi… finalement il regrette d’être déjà trop vieux pour connaître un jour l’aboutissement de ce projet…
    Dans les années 80 déjà, des amis médecins étaient partis un an en Afrique pauvre avec une ONG à l’efficacité suisse pour superviser un hôpital. Pour la maternité, ils avaient déjà robotisé les césariennes faites uniquement par des infirmiers dont c’était la seule fonction, qui les faisaient mieux qu’un médecin, plus vite, moins chères… et passaient la 79 serpillière.

    Ce que l’équipe strasbourgeoise propose, c’est aller plus loin, éliminer l’homme. On simule l’intervention par ordinateur, on plante les trocarts, l’opération se fait sous le contrôle d’un technicien … supervisée par une bande d’universitaires ultraspécialisés qui ont mis au point une sorte de patron informatique de l’intervention.

    Finalement on n’a plus besoin de chirurgien, le rêve secrètement mégalomane de notre professeur est-il d’être, le dernier des
    chirurgiens… le terminator de la chirurgie?…
    Démesure dites vous ?
    Monde déshumanisé inacceptable ?… réfléchissez plutôt aux avantages… Autrefois, la chirurgie c’était « mens et manu », l’esprit et la main, or le travail manuel n’a plus la cote… même les artistes plasticiens ne savent plus se servir de leurs doigts, allez à Art-Basel pour vous convaincre! Tout dans le concept, rien dans la réalisation. Les parents préfèrent pour leur rejeton une carrière de commercial, même au chômage, à un travail d’artisan. Effectivement on gagne plus d’argent à vendre qu’à fabriquer… l’avenir étant aux manchots (je n’ai pas dit les bandits manchots…), il était temps que la chirurgie se mette au diapason… faute de quoi des salaires de misère nous attendaient…

    Autrefois, vous voyiez votre patiente avant l’opération, elle était jeune, moins jeune, jolie ou pas, chef d’entreprise ou mère de famille. Vous décidiez de l’opérer, vous en discutiez, certains étaient prompts, d’autres hésitants, peu importe… Mais le grand jour, vous vous retrouviez à ouvrir le ventre de quelqu’un que vous connaissiez jeune ou moins jeune, sympathique ou pas etc… la nuit, vous aviez mal dormi parce que vous étiez grippé, et puis surtout il vous était difficile de faire abstraction de la personne (pour compléter l’immense culture du Pr I N, le Dr G lui signale que si le mot personne vient étymologiquement de prosôpon, le masque porte-voix du théâtre grec, le concept a été crée par Boèce (470- 524) qui en a modifié le sens en la définissant comme rationalis naturae individua substantia (substance individuelle de nature rationnelle), la personne a fort heureusement remplacé le terme hypostase utilisé jusqu’alors par les conciles, il est quand même plus élégant pour le médecin de s’occuper des personnes que des hypostases….) qui le lendemain jeune ou vieille, vous disait qu’elle avait mal, que la cicatrice du trocart ombilical se voyait quand même…

    Bref, même si votre mens était solide, votre manus était mise en cause. Il était temps que ça change… demain. Vous serez toujours le spécialiste de la « substance individuelle de nature rationnelle », le mens et vous aurez délégué la manus à une technologie de pointe et à ceux qui en assureront la maintenance tout en sachant que de temps en temps, comme les pilotes d’avion, vous pourrez reprendre la main (manus) soit pour votre plaisir mais bien plutôt par manque de fiabilité chronique des systèmes informatiques que nous connaissons bien… Les chirurgiens pourront enfin commencer à faire de la médecine, entourés d’assistants technologiques qui seront comme les lointains descendant des barbiers. Car c’est ainsi que la médecine est grande…

    Dr G, juillet 2009